Billie Jean de Michael Jackson – Réarranger un hit de la pop

Dans le cadre de ma formation aux métiers de la musique, et plus précisément pour le cours d’arrangements, je me suis attelé à délivrer une version personnelle de Billie Jean, le hit de Michael Jackson. Puis, plus tard, je suis revenu sur mon travail initial et je l’ai prolongé pour exacerber les pistes que j’avais commencé à défricher et finaliser une version plus proche de mes attentes, de mes envies et de mes possibilités. Je partage ci-dessous mon processus de travail.

Voici la version finale de mon travail :

Trouver l’idée de départ

La première étape, lorsqu’on veut réarranger un morceau de musique, est de choisir celui-ci (logique). Chacun aura alors ses propres critères.

Mon idée était de tester un projet que j’avais en tête : un duo basse/batterie au son electro mais jouant live le plus possible. J’envisageais de reprendre de façon déstructurée, atypique, un peu folle peut-être, des tubes de la musique populaire. C’est pourquoi, je souhaitais partir d’une musique connue de tous, voire même très connue.

L’ambition n’est pas de faire mieux que l’original mais de surprendre, donner un éclairage nouveau avec des mélodies bien connues que beaucoup de monde peu reconnaître.

Le titre Billie Jean de Michael Jackson, avec ses parties de basse et de batterie emblématiques, m’est rapidement apparu comme une évidence. Il y a du groove, à peu près toute la planète le connaît, il y a de la matière à utiliser.

Dans mon esprit, le bassiste devait gérer les parties mélodiques, quelques aspects harmoniques, ajouter des effets si besoin et selon sa créativité dans le but de renforcer le côté électro et d’ajouter à la folie général du projet.

Côté batterie, j’imaginais : le côté rythmique (bien entendu), la gestion de samples et de séquences divers (effets sonores, boucles d’accords ou de percussions additionnelles).

Au fil de mon travail, j’ai pensé que chacun des musiciens pourrait également chanter certaines parties. Tout ça dans le but de multiplier le nombre de parties simultanées possibles.

Et donc, dans l’idéal, pour moi, l’ensemble devait pouvoir être joué par 2 personnes en live.

J’avais mon cadre global, j’étais prêt à me lancer dans le processus créatif.

Relever

Tout d’abord, j’ai écouté plusieurs fois le morceau pour m’en imprégner et pour noter les parties significatives que je voulais garder ou reprendre de façon plus ou moins fidèle dans ma version. Mon but était certes de transformer l’original mais sans le perdre de vue. Ce dernier devait rester reconnaissable.

La basse, la base !

Impossible pour moi de ne pas conserver le riff d’ouverture qui se poursuit sur la majeure partie du morceau. C’est le fondement du titre que tout le monde reconnaît dès les premières notes.

Billie Jean - Midi editor riff de basse principal
Billie Jean – Midi editor riff de basse principal
Billie Jean - Partition riff de basse principal
Billie Jean – Partition riff de basse principal

J’ai repris également le pont, lui aussi très identifiable.

Billie Jean - Midi editor du pont à la basse
Billie Jean – Midi editor du pont à la basse
Billie Jean - Partition du pont à la basse
Billie Jean – Partition du pont à la basse

Le chant

Dans le même état d’esprit, la mélodie chantée dans le refrain permet de reconnaître inévitablement la chanson. En revanche, les paroles ne sont pas indispensables pour le but que je poursuivais.

Billie Jean - Midi editor du refrain au chant
Billie Jean – Midi editor du refrain au chant
Billie Jean - Partition du refrain au chant
Billie Jean – Partition du refrain au chant

J’ai choisi aussi de relever et de réutiliser le pré-refrain.

Billie Jean - Midi editor du pré-refrain au chant
Billie Jean – Midi editor du pré-refrain au chant
Billie Jean - Partition du pré-refrain au chant
Billie Jean – Partition du pré-refrain au chant

Une partie d’un couplet.

Billie Jean - Midi editor du couplet au chant
Billie Jean – Midi editor du couplet au chant
Billie Jean - Partition du couplet au chant
Billie Jean – Partition du couplet au chant

Quelques unes des fameuses interventions de Michael Jackson : les « hihi » et les « houhou »…

Les synthétiseurs

J’ai relevé également quelques éléments joués par des claviers. Des éléments musicaux plus ou moins en retrait qui donnent sa personnalité au titre de Michael Jackson.

Evidemment les accords qui parsèment le couplet et qui se répète à l’instar du riff de basse dans, à peu près, toute la durée de la musique.

Billie Jean - Midi editor des accords de synthé
Billie Jean – Midi editor des accords de synthé
Billie Jean - Partition des accords de synthé
Billie Jean – Partition des accords de synthé

Ce petit élément en retrait mais qu’on reconnaît facilement.

Billie Jean - Midi editor d'un élément de synthé
Billie Jean – Midi editor d’un élément de synthé
Billie Jean - Partition d'un élément de synthé
Billie Jean – Partition d’un élément de synthé

J’avais envie d’en reprendre encore tellement… mais il a fallu savoir s’arrêter pour ne pas relever purement et simplement tout le morceau original.

Assembler les pièces du puzzle

Point de départ

A partir de ces éléments éparses, j’étais prêt à tenter de reconstruire quelque chose de nouveau. Comme tu as pu le remarquer ci-dessus, j’ai choisi de ne pas reprendre la rythmique de batterie. C’est un élément emblématique du titre, je l’ai déjà évoqué, mais à tel point, à mon avis, que si je le reprenais tel qu’il est, associé à la partie de basse, je n’aurais pas réussi à me détacher de l’original. Une fois la section basse/batterie partie dans cette direction, il me restait beaucoup moins de marge de manœuvre.

C’est pourquoi, j’ai choisi délibérément de m’en éloigner et de rapprocher le rythme de batterie du rythme des accords et de changer le découpage de mes mesures. En revanche, je me suis autorisé à le rappeler plus tard dans ma version, j’explique ça un peu plus loin.

Concrètement, on passe d’une mesure à 4 temps binaire « classique » où chaque temps est découpé en 2 croches, à un rythme plus chaloupé : 2 noires pointées et une noire. On peut le penser comme un découpage 3-3-2 (très utilisé par Astor Piazzolla, par exemple dans ses tangos). On reste sur une mesure à 4 temps binaire mais les accents sont placés différemment.

Et le ressenti n’est plus du tout le même. D’ailleurs, je l’accentue encore en faisant jouer à la batterie des ouvertures de charleston courtes sur ces accents.

Billie Jean - midi editor batterie du couplet
Billie Jean – midi editor batterie du couplet
Billie Jean - Partition du couplet à la batterie (3-3-2)
Billie Jean – Partition du couplet à la batterie (3-3-2)

Se remettre en question pour avancer

Ainsi donc, et toujours dans le cadre du cours d’arrangement, j’ai présenté les partitions d’une première version pour basse-batterie-2voix (plus une partie pour un trio jazz que j’avais imaginé être une séquence déclenchée par l’un des musiciens) et il m’était donné la possibilité de jouer cette version live.

Pour l’occasion, j’ai réuni autour de moi : un bassiste et 2 chanteuses pour gérer les parties vocales et alléger les parties à apprendre de chacun.

Malheureusement, le projet n’a pas vu le jour en raison de plusieurs facteurs… Il est donc resté dans mes tiroirs un long moment avant que je décide de le ressortir.

J’ai finalement eu envie d’y revenir plusieurs années plus tard. N’ayant pas d’autres instrumentistes sous la main, j’ai décidé de faire « avec les moyens du bord », moi-même, avec mes compétences, en mode producteur. #DIY

Et j’ai réécrit énormément de choses. N’étant pas bassiste, j’ai privilégié des parties de synthé basse programmées ou jouées au clavier maître midi. N’étant pas chanteur, exit les parties vocales remplacées soit par de la guitare, soit par du synthé. Pour le coup, le côté electro s’en trouve renforcé.

Voici le détail de la version finale.

Structure

De mon côté, je n’ai pas exactement suivi la structure originelle du morceau du King of pop. Mon intro est totalement différente, le nombre de mesures des couplets n’est pas le même. On est proche mais suffisamment éloigné pour surprendre sans choquer (ce n’est que mon avis).

Pour le comparatif :

OriginalRé-arrangement
Intro
Couplet
Pré-refrain
Refrain
Couplet
Pré-refrain
Refrain
Pont
Refrain ad lib
Intro (electro-tango)
Couplet
Pré-refrain (jazz)
Refrain
Couplet 7/8 – Chorus/Solo
Pont
Refrain
Rappel intro
Refrain guitare acoustique
Comparaison des structures du morceau original et de mon arrangement

Intro

Dans l’intro, me basant sur la rythmique choisie, j’ai laissé planer cette langueur latino utilisant la guitare acoustique pour plaquer l’accord du premier degré : F#m (fa dièse mineur) soit l’accord de tonique du morceau pendant que la basse fait entendre une descente chromatique (on appelle ça une ligne clichée).

J’ai conservé la tonalité originale du titre. En revanche, j’ai diminué le tempo. Ceci contribue à la langueur précédemment évoquée. On reste sur quelque chose de dansant mais différemment. On n’est plus sur le dancefloor d’un club de New York ou Los Angeles, on est au bord d’une plage argentine. Et le son de synthé de l’introduction vient rappeler un peu l’accordéon, l’esprit du tango n’est pas loin (en tout cas dans mon esprit).

Couplet

Après l’intro, le couplet prend place. D’abord de façon très simple en basse-batterie, puis d’autres instruments viennent s’ajouter pour compléter l’ensemble avec la mélodie et les accords.

Et bim !

Pré-refrain (jazz)

Tout s’arrête net laissant la place au pré-refrain interprété par un combo jazz. Comme si quelqu’un était venu interrompre notre rêverie en lançant un vieux vinyle ou en allumant la radio. Je me suis d’ailleurs amusé à ajouter des sons de réglage d’une radio et des craquements de vinyle, entre autres, pour renforcer la sensation de cassure.

Refrain

De façon presque aussi brutale, on revient à nos mouton et on enchaîne avec le refrain qui conserve le rythme du couplet et de l’intro à la batterie. Cette dernière accentue, en plus, sur le dôme de la cymbale ride, une clave 3/2 qui s’étale sur 2 mesures pour un clin d’œil supplémentaire à la musique latine.

Quelques pêches viennent nous faire basculer du 4/4 au 7/8. Retour au couplet, mais…

Couplet 7/8 – Chorus

On a perdu une croche, le riff de basse s’adapte. C’est le moment de lancer une petite improvisation planante à la guitare avant de revenir sur un 4/4 beaucoup plus droit, beaucoup plus pêchu : c’est le pont.

Pont

La batterie reprend presque le back beat originel. Presque. Car si la première moitié de la mesure est classique avec notre kick sur le premier temps et la snare sur le deuxième ; en revanche, la seconde partie se décale. La grosse caisse joue sur la deuxième croche du troisième temps, la caisse claire sur la deuxième croche du quatrième temps. Le tout est accompagné d’une ride qui accentue les temps sur le dôme pour marquer encore un peu plus le retour au 4/4.

Billie Jean - midi editor batterie du pont - 1ère partie
Billie Jean – midi editor batterie du pont – 1ère partie
Billie Jean - Partition du pont à la batterie 1ère partie
Billie Jean – Partition du pont à la batterie 1ère partie

Puis la batterie passe sur un nouveau back beat mais encore en décalé puisque, pour suivre la rythmique de la basse, j’ai mis en place un groupe de 3 sur les doubles croches (on trouve aussi l’appellation 3 pour 4). Sur une mesure en 3/4, les accents tombent toutes les 3 doubles croches, la boucle tient sur une mesure.

Billie Jean - midi editor batterie du pont - 2ème partie en 3/4
Billie Jean – midi editor batterie du pont – 2ème partie en 3/4
Billie Jean - Partition du pont à la batterie 2ème partie
Billie Jean – Partition du pont à la batterie 2ème partie

Au retour en 4/4, la batterie vient ponctuer la partie de basse à l’unisson et le back beat se retrouve à l’envers : grosse caisse sur les deuxièmes croches des temps 1 et 3, caisse claire sur les deuxièmes croches de 2 et 4. Tout rentre dans l’ordre juste avant le deuxième refrain.

Billie Jean - midi editor batterie du pont - 3ème partie 1ère mesure
Billie Jean – midi editor batterie du pont – 3ème partie 1ère mesure
Billie Jean - midi editor batterie du pont - 3ème partie 2ème mesure
Billie Jean – midi editor batterie du pont – 3ème partie 2ème mesure
Billie Jean - midi editor batterie du pont - 3ème partie 3ème mesure
Billie Jean – midi editor batterie du pont – 3ème partie 3ème mesure
Billie Jean - Partition du pont à la batterie 3ème partie
Billie Jean – Partition du pont à la batterie 3ème partie

Pour lier ces 3 parties du pont ayant des signatures rythmiques différentes, j’ai ajouté un shaker electro qui, lui, reste en 4/4 tout le temps. Celui-ci joue en doubles croches et accentue les temps. Ainsi, les accents du shaker se décale par rapport aux changements de métrique des autres instruments et par rapport aux accents de la batterie qui ne sont pas sur les temps.

Billie Jean - Midi editor shaker
Billie Jean – Midi editor shaker
Billie Jean - Partition shaker
Billie Jean – Partition shaker

Refrain

Le deuxième refrain diffère peu du premier. Enfin un peu de stabilité… J’ai juste ajouté une guitare qui reprend la ligne de chant.

Rappel intro

Ensuite, la ligne clichée de l’intro refait son apparition comme pour boucler la boucle. Quelques accords viennent ponctués le dernier enchaînement et amène à la conclusion du morceau.

Refrain

Pour conclure, un dernier refrain, plus lent (83 à la noire, comme l’année de sortie du titre : 1983), à la guitare acoustique qui joue la mélodie sur une grille d’accord alternative dans un style finger picking aux accents jazzy. Nous voilà arrivé au bout du morceau avec une conclusion étonnante, lumineuse, joyeuse et, à mon goût, satisfaisante sur un accord de E (mi majeur). Pour rappel, tout le morceau se fonde sur F#m (fa dièse mineur).

Si tu ne l’as pas encore écoutée, voici la version finale :

Certains guitares ont été enregistrées live, le reste a été réalisé grâce à des instruments virtuels et des samples.

Tu es libre de partager, liker, commenter bien entendu.